Être gaucher a pendant longtemps été considéré comme une erreur de la nature qui nécessitait d’être corrigée. Les expressions courantes nous le rappellent fréquemment : « être gauche », « se lever du pied gauche » ou, plus positivement « être le bras droit »… Fort heureusement, les temps ont changé! L’usage de la main gauche a cessé d’être réprimé dans plusieurs endroits du monde et on sait maintenant que la proportion de gauchers est d’environ 9%.
Mais pourquoi certains utilisent-ils leur main gauche et d’autres leur main droite? Les voies sensitives et motrices, sortes d’autoroutes transportant les informations sensorielles et les commandes motrices, changent de côté en descendant dans la moelle épinière. Les informations sensorielles et les réponses motrices du côté gauche du corps sont donc traitées par l’hémisphère cérébral droit, et inversement. Ainsi, les droitiers ont leur hémisphère « dominant » pour la fonction motrice dans l’hémisphère gauche et les gauchers, dans l’hémisphère droit. Plusieurs recherches suggèrent que le processus de latéralisation, par lequel un hémisphère se spécialise dans la prise en charge d’une fonction, semble être déterminé avant la naissance. La latéralisation poursuit toutefois son développement dans les premières années de vie.
Avant qu’une véritable dominance manuelle ne s’installe, c’est en premier lieu la préférence manuelle qui va se développer. Examinons-les de plus près afin de distinguer la différence entre l’une et l’autre. La préférence manuelle, que l’on observe chez le très jeune enfant, se définit par l’utilisation constante d’une même main pour une activité donnée (ex. : un bébé qui suce toujours le pouce de la main droite, un enfant de 2 ans qui utilise toujours la main gauche pour manger à la cuillère, etc.). La dominance manuelle survient plus tard, entre 3 et 6 ans, lorsque l’enfant réalise toutes les tâches exigeant de la précision avec une même main. On observera alors qu’il utilise avec constance cette main, que ce soit pour manger, colorier, découper, lancer ou attraper une balle, brosser les cheveux de sa poupée ou récupérer un objet tombé au sol. Précisons que le processus de latéralisation décrit plus tôt ne touche pas seulement la main, mais également le pied, l’œil, voire l’oreille! Ainsi, une personne peut être latéralisée de façon homogène et utilisera alors de façon constante la main, le pied, l’œil et l’oreille du même côté pour diverses tâches. Toutefois, la latéralisation est parfois hétérogène et la main gauche pourrait alors être utilisée pour les tâches manuelles de précision, tandis que le pied gauche serait utilisé pour frapper un ballon ou l’œil gauche sollicité pour regarder à travers un kaléidoscope.
Puisque la dominance survient généralement entre 3 et 6 ans, certains parents et intervenants pourraient s’inquiéter en constatant qu’elle tarde à s’installer chez un enfant faisant son entrée à la maternelle. En effet, une dominance manuelle clairement établie est un avantage certain pour la réussite de l’enfant qui fait ses premiers pas dans l’éducation préscolaire, alors que les tâches de précision motrice fine telles que le coloriage, les tracés et le découpage sont fréquemment proposées. Si l’enfant utilise avec constance la même main pour diverses activités, tandis que la main opposée remplit une fonction de stabilisation, ses habiletés se développeront plus aisément. Au cours des derniers mois précédant l’entrée au préscolaire, il est donc pertinent d’accompagner l’enfant pour mettre en place les facteurs favorables à l’apparition d’une main dominante, si celle-ci n’est pas encore établie. On peut alors :
– Encourager les activités sollicitant les deux côtés du corps : anges dans la neige, twister, marelle, etc.
– Proposer des activités dans lesquelles une main stabilise tandis que l’autre main réalise une tâche : colorier en plaçant la feuille contre le mur, enfiler des perles sur un lacet, enfoncer des objets dans une boule de pâte à modeler pour créer de drôles de créatures, etc.
– S’assurer, s’il souhaite utiliser sa main gauche qu’il dispose d’un environnement et d’outils adéquats : ciseaux pour gaucher, modèles visuels à droite ou au-dessus de sa feuille, etc.
– En cas de doutes ou d’inquiétudes, contacter un ergothérapeute travaillant auprès des enfants!
Références :
Dubuc, Bruno.Site Le Cerveau à tous les niveaux, [En ligne].http://lecerveau.mcgill.ca/flash/d/d_10/d_10_cr/d_10_cr_lan/d_10_cr_lan.html#3
(Page consultée le 2 décembre 2014)
Bukatko, D. et Daehler, M.W. (2004).Child Development : A Thematic Approach. Boston, États-Unis: Houghton Mifflin Company.
Mugnier, J.M. (2011). Gauchers en difficulté. Paris, France : Pierre TÉQUI éditeur.